Pierre-Olivier Marchal

La guerre et les bâtiments ont également fait partie de la politique menée par Colbert puis Louvois pour construire la gloire de Louis XIV.  Peintres ordinaires de Louis XIV puis de Louis XV, Jean-Baptiste Martin (1659-735) et Pierre-Denis Martin (1673-1742) surent parfaitement illustrer cette politique de glorification en incarnant, par l’étendue des genres abordés dans leur œuvre, les différentes qualités des souverains (rois de guerre, bâtisseurs, jardiniers, chasseurs, etc.) Au-delà des questions de l’image du roi, à la bibliographie aujourd’hui abondante, l’œuvre des "Martin" ouvre à des problématiques encore peu envisagées au sein des Sciences humaines.

Leur vie et leur production respectives furent liées dès le XVIII^e siècle sans qu’il ne soit possible d’établir un évident lien de parenté. Cette problématique irrigue l’ensemble de cette étude, tant les carrières des deux peintres paraissent intriquées. Tout en essayant de comprendre la production de chacun, cette thèse de doctorat questionne l’œuvre des "Martin" de manière globale. Cette dernière se distingue en effet par une singulière diversité de genres, et apparaît plus complexe qu’un ensemble de tableaux simplement régit par la commande. S’y pose la question d’une représentation inédite du royaume, de sa société, et plus particulièrement de la monarchie française à travers ses usages, ses devoirs, etc. De même, une partie de leur production amène à s’interroger sur un aspect encore peu étudié en Histoire de l’Art : la représentation du territoire par les peintres et l’incidence des avancées cartographiques sur leurs œuvres. L’activité et la formation de "peintre-ingénieur" des "Martin" amènent de cette manière à réfléchir sur leurs liens entre ingénierie, cartographie et peinture aux XVII^e et XVIII^e siècles. Travaillant ainsi dans des domaines de compétences variés, pour le Roi, les monarques étrangers ou les grands seigneurs, ces peintres ont laissé une importante production de tableaux, aux attributions brouillées au fil du temps. La constitution d’un corpus d’œuvre doit permettre, dans ce cadre, de mieux comprendre l’intrication de ces problématiques au sein de leur production, et de les confronter à d’autres artistes contemporains.