Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Technopolitiques post-coloniales. Radiotélévisions, archives audiovisuelles et retour du passé en Afrique (XXe-XXIe siècles)

Flora Losch

Résumé :

 

À l’heure des débats sur l’impérialisme numérique, la décolonisation des organisations patrimoniales et le renouvellement des relations entre les États d’Europe et d’Afrique, cette thèse propose d’arpenter une « histoire à pente faible » aux impacts historiographiques et culturels durables : celle des technopolitiques médiatiques et de l’accumulation par les États contemporains d’une « masse documentaire » audiovisuelle. Durant le premier XXe siècle, les technologies audiovisuelles ont été introduites en Afrique afin de servir les projets impériaux. Élargi à la télévision durant la décolonisation, cet investissement techno-impérial s’est redéployé en contexte post-colonial via la coopération entre les États européens et africains.

 Au fil du siècle, ces technologies ont généré une masse d’archives audiovisuelles analogiques. Produites d’abord par les premiers, puis également par les seconds après leur indépendance, ces archives sont soumises à l’obsolescence et la destruction. Depuis le tournant du XXIe siècle, elles sont sauvegardées grâce aux technologies numériques, qui modifient les modalités de leur préservation. Détenteurs d’un monopole sur le passé audiovisuel du continent, les États européens ont assisté les États africains et cette assistance participe, à l’instar de celle apportée à leur migration numérique, des mêmes technopolitiques post-coloniales. Située à l’intersection des histoires relationnelles, des science studies, des études archivistiques critiques et des études critiques du patrimoine, cette thèse reconstruit ce puzzle à l’aide d’archives papiers et audiovisuelles, d’entretiens semi-directifs et d’audits techniques. Elle fait de ces archives médiatiques, restées à l’écart de la réflexion sur l’archive coloniale et l’« archive-sujet », un objet de recherche au-delà de leur qualité de sources. Centrée sur l’analyse du projet impérial français et de l’agentivité des acteurs africains, en particulier en Côte d’Ivoire et au Sénégal, elle se déploie en deux volumes dont le premier, « Rembobiner le temps pour comprendre les collections (XXe siècle) », resitue ces archives dans une histoire de longue durée. 

Celui-ci étudie la structuration des réseaux radiophoniques durant la période coloniale et leur recomposition télévisuelle après les indépendances de 1960 (partie 1). En suivant deux acteurs, il montre comment ces réseaux sociotechniques ont entremêlé humains et non-humains tout en mettant en lumière le caractère polycentrique des technologies audiovisuelles (partie 2). En reconstituant la fabrication concomitante d’un instrument juridique au sein de l’Unesco, il analyse la normalisation de la préservation du patrimoine audiovisuel tout en retraçant les premiers débats, aujourd’hui largement oubliés, sur la restitution du patrimoine audiovisuel accumulé par les États impériaux (partie 3). Ces histoires convergent dans la période contemporaine, explorée dans le deuxième volume « Nouveaux enjeux des archives audiovisuelles africaines (XXIe siècle) ». Celui-ci analyse les implications du changement de système technique sur les archives des diffuseurs publics ivoirien et sénégalais et sur l’activité de préservation internationale (partie 4). La partie 5 s’intéresse à la reconfiguration de la coopération audiovisuelle franco-africaine et à l’investissement français dans la sauvegarde des archives audiovisuelles d’Afrique. Elle étudie aussi les collections africaines détenues sur le territoire français, en particulier par l’Institut national de l’audiovisuel, l’une des principales organisations détentrices de passé audiovisuel africain, faisant ressortir la nécessité de leur restitution. Au terme de ces cheminements, il apparaît que l’activité de préservation est une activité historiquement située où s’entremêlent ressources du passé, technologies, États, marchés, savoirs et pouvoirs, cette question étant ainsi ramenée dans le champ du politique.

 

Jury

 

  • M. Kapil Raj (Directeur de thèse), EHESS
  • Mme Charlotte Bigg, CNRS
  • Mme Widad Mustafa El Hadi, Université de Lille
  • M. Jean-Bernard Ouédraogo, EHESS
  • M. Tiago Saraiva, Drexel University
  • Mme Bénédicte Savoy, Technische Universität Berlin
  • Mme Isabelle Surun, Université de Lille

 

La soutenance se déroulera en présentiel (54 boulevard Raspail) et en visioconférence (BigBlueButton) et sera suivie d'un pot. Afin de faciliter l'organisation et d'obtenir le lien de visioconférence, les personnes souhaitant assister à la soutenance sont invitées à se rapprocher de la candidate : flora.losch@ehess.fr

Partager ce contenu