Type de contenuProfesseur invité

Vania Markarian

Conférences
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Thématique(s)Histoire
Vania Markarian

Vania Markarian has a Ph.D. in Latin American History (Columbia University, 2003) and a BA in Historical Sciences (Udelar, 1996). She is currently a full professor at Universidad de la República. Between 2020 and 2021 she was President of the Uruguayan Association of Historians. She has been a visiting professor at New York University, Columbia University, City University of New York, Princeton University, Universidad Nacional de General Sarmiento, Universidade Federal de Minas Gerais, and CLAEH. She has published extensively on the history of the Cold War in Latin America. Among her books are Left in Transformation: Uruguayan Exiles and the Latin American Human Rights Networks and El 68 uruguayo: El movimiento estudiantil entre molotovs y música beat, also published in English by University of California Press. Her latest book is Universidad, revolución y dólares: Dos estudios sobre la Guerra Fría cultural en el Uruguay de los sesenta.

Vania Markarian participe au Programme Professeurs invités de l’EHESS, sur proposition de Rafael Mandressi (CNRS, CAK) et de Clément Thibaud (Mondes Américains), du 2 novembre au 2 décembre 2022.
 

CONFÉRENCES

Conférences en anglais.

Correspondances libertaires : les lettres de Benito Milla et Luis Mercier Vega dans les archives du Congrès pour la liberté de la culture (CLC)

Dans le cadre du séminaire de Clément Thibaud « Révolutions et contre-révolution en Amérique latine, une histoire contemporaine (1780-1980) », EHESS

17 novembre 2022, 16h30-18h30, Campus Condorcet, Bâtiment EHESS, salle A427

Le Congrès pour la liberté de la culture (CLC) fut une organisation centrale du champ culturel de la guerre froide. Fondé en Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a rapidement débarqué en Amérique latine pour tenter de recruter des intellectuels pour son programme anticommuniste. Son virage postérieur à la Révolution cubaine, visant à contrer l’influence de l’île parmi ces mêmes intellectuels, est désormais aussi bien connu que le rôle de la CIA dans son financement secret. Mais les réseaux à la base de cette entreprise qui a attiré tant de grands noms des arts et des lettres du monde entier remontent à bien plus loin. Cette présentation cherche à comprendre le poids des solidarités idéologiques et des réseaux interpersonnels forgés parmi les combattants républicains de la guerre civile espagnole, porteurs d’un anticommunisme de longue date, aux racines indépendantes de celui promu par les États-Unis dans le monde bipolaire. La correspondance entre l’exilé républicain Benito Milla, éditeur espagnol installé à Montevideo depuis les années 1950, et Luis Mercier Vega, un autre anarchiste itinérant d’origine belge et leader du versant latino-américain du CLC depuis le début des années 1960, rend compte de la complexité des sentiments, des matrices politiques et des intérêts culturels en jeu à une époque qui ne peut être réduite aux intérêts stratégiques des grandes puissances de l’après-guerre. Conservées dans les archives du CLC à l’Université de Chicago, ces lettres constituent une fenêtre extraordinaire pour observer les années 1960 dans une perspective transnationale et pour comprendre les courants affectifs qui ont sous-tendu une diversité d’actions politiques qui ne peuvent pas être lues uniquement à partir de leurs clés idéologiques ou stratégiques.

 

La contraception et la guerre froide dans l’Uruguay des années 1960

Dans le cadre du séminaire de Rafael Mandressi et Anne Carol « Histoire de la médecine, des savoirs sur le corps et de la mort », EHESS

18 novembre 2022, 14h30-16h30, Campus Condorcet, Centre de colloques, salle 3.09

Vers la fin des années 1960, des débats publics passionnés ont proliféré en Amérique latine au sujet des campagnes de « planning familial » mises en œuvre par les communautés médicales locales avec le soutien de diverses agences internationales. En Uruguay, plusieurs gynécologues de la Faculté de médecine de l’Université de la République ont été les pionniers de la mise en œuvre et de la défense de ces programmes. Ainsi, le débat s’est orienté vers les espaces du gouvernement universitaire et s’est concentré sur des questions de géopolitique et de développement, ainsi que sur le rôle de certains savoirs spécialisés dans les décisions relatives à ces questions. Deux positions bien définies ont émergé qui ont semblé s’aligner sur les camps de la guerre froide : tandis que les hauts représentants de la gynécologie et de l’obstétrique défendaient le « planning familial » avec des discours qui établissaient un lien négatif entre la croissance démographique et le développement économique, nombre de leurs étudiants, engagés dans le militantisme anti-impérialiste, mettaient l’accent sur les objectifs de contrôle social de la contraception en tant que régulation démographique du capitalisme. Or on ne saurait comprendre ces positions comme une simple prise de parti contre les plans des puissances occidentales visant à prévenir les explosions sociales avec des arguments malthusiens. D’autres ramifications sont à retenir. D’une part, la remise en cause de l’autorité des gynécologues à s’immiscer dans la vie de leurs patientes en prescrivant des contraceptifs, et l’incapacité à détecter cette même transgression quand celle-ci provenait d’une base politico-idéologique qui en déconseillait l’usage. D’autre part, l’évolution de la sexualité des différentes générations, notamment en relation à ce qui a été prescrit et mis en œuvre tant par les gynécologues que par les jeunes anti-impérialistes. Ces discussions et décisions ont été traitées sans grande considération pour les points de vue et les besoins des femmes, en particulier les plus pauvres. Tous ces clivages (corporatifs, générationnels, de classe, de genre) ont affecté les positions des médecins, les résistances des groupes militants et les objectifs des acteurs étrangers impliqués.

 

Réforme universitaire en période de troubles : le mouvement étudiant uruguayen avant et après 1968

Dans le cadre du séminaire de recherche de Denis Merklen et Olivier Compagnon, IHEAL-CREDA, Sorbonne-Nouvelle

25 novembre 2022, 16h30-18h30, Campus Condorcet, bâtiment de recherche Sud, salle 15

En 1965, le mouvement étudiant uruguayen s’est opposé au lancement d’un « programme pour l’amélioration de l’enseignement des sciences » qui devait être dispensé à l’Université de la République par l’Organisation des États américains (OEA). Avec le soutien d’un groupe d’enseignants, issus pour la plupart de la Faculté d’ingénierie, les représentants des étudiants ont rédigé une déclaration rejetant le programme, critiquant son faible niveau académique et affirmant qu’il était en contradiction avec les objectifs généraux de l’institution. En évoquant le rôle de l’OEA dans le sous-continent, l’anti-impérialisme était un élément central de leur rhétorique, mais les étudiants ont insisté sur la nécessité de concilier politique scientifique et « développement national » au sein de l’université. Les positions fortes des étudiants n’ont pas pu arrêter le projet de l’OEA, mais leurs actions ont été décisives pour renforcer l’alliance qu’ils ont forgée avec des professeurs consacrés au développement de la recherche scientifique. Ils ont également facilité l’élection d’Oscar Maggiolo au poste de recteur en 1966 et l’élaboration en 1967 d’un programme ambitieux visant à promouvoir les sciences et la technologie à l’université. Ces développements suggèrent que l’attitude contestataire du mouvement étudiant au milieu des années 1960 était propice à la réforme universitaire. Cependant, l’apogée des mouvements de protestation en 1968 a marqué un tournant dans ces controverses. Dès lors, face à la répression croissante et à l’autoritarisme de droite, la plupart des étudiants mobilisés se sont éloignés du débat sur la réforme universitaire et se sont tournés vers des causes politiques radicales. Cette présentation analyse ces changements de position et le développement d’instances de protestation de plus en plus violentes au cours de la période précédant le coup d’État de 1973, qui a fini par mettre un frein à ce débat et aux autres débats connexes.

 

Une histoire faite de nombreux soupçons et de quelques confirmations : le projet Camelot et les sciences sociales en Uruguay

Dans le cadre du séminaire d’Emanuel Bertrand, Wolf Feuerhahn, Serge Reubi et Nathalie Richard « Histoire des sciences humaines et sociales », EHESS

2 décembre 2022, 12h30-14h30, Campus Condorcet, Centre de colloques, salle 3.08

En 1965, un scandale a secoué les sciences sociales latino-américaines et a eu pendant des années des répercussions sur la volonté des universitaires et des intellectuels d’accepter les offres de fonds étrangers pour mener à bien leurs activités. En effet, les allégations qui ont émergé au Chili sur les intentions du projet Camelot et l’identification de ses financeurs à l’appareil militaire du gouvernement états-unien, ont alerté ceux qui, dans un contexte de restrictions budgétaires, cherchaient de l’argent pour leurs recherches. En Uruguay, cette question est venue s’ajouter aux débats entourant le « Séminaire des élites latino-américaines », qui s’est tenu la même année à l’Université de la République, avec quelques signaux d’alarme concernant l’organisation promotrice, le suspect Congrès pour la liberté de la culture (CLC), dont on a rapidement découvert qu’il était financé par la CIA. Ces deux questions ont largement contribué à l’érosion du « tercerismo », cette position d’équidistance vis-à-vis des puissances de la guerre froide qui avait unifié une grande partie du champ intellectuel local et encouragé les convergences également en ce qui concerne la compréhension des problèmes sociaux. En optant pour la promesse révolutionnaire de Cuba ou en embrassant les plans de modernisation venant des États-Unis, ces intellectuels ont cessé de trouver un terrain d’entente dans les discussions publiques sur la science et la politique, en particulier celles qui visaient à définir le rôle des institutions de savoir dans la promotion du développement et du changement social. Au milieu de ces controverses, la tentative de consolider un espace académique pour le développement des études sociales où différentes tendances théoriques et méthodologiques pourraient coexister a été frustrée.

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