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L’enfant et l’asile (XIXe-XXe siècles)

Revue d’Histoire de l’Enfance Irrégulière

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Appel à articles dans le cadre du numéro 23 de la Revue d’Histoire de l’Enfance Irrégulière, sous la direction de Jean Christophe Coffin (Centre Alexandre-Koyré, CNRS) et d’Anatole Le Bras (Centre d’histoire de Sciences Po, Sciences Po)

*English version attached*

L’enfant dans un asile ? Quelque drôle d’idée ! Encore ces aliénistes avec leur manie d’enfermer ? Peut-être ; toujours est-il qu’à la fin du XIXe siècle le choix de placer l’enfant dans une institution fermée n’est guère vu comme un choix aisé ; tout au plus une nécessité. Tout d’abord, c’est le placer faute de mieux parmi les adultes, ce qui est bien risqué. Ce type de placement ne peut être une solution d’avenir, tout au plus une réponse transitoire. Certes il y a des enfants qui doivent être placés dans des institutions ; l’enfant idiot, « dégénéré par excellence », est de ceux-là. Mais l’asile pour aliénés est-il le meilleur lieu ? Au fur et à mesure que quelques aliénistes tel Paul Moreau de Tours (1844-1908) s’autorisent à aborder ce que le cœur des hommes refuse, la pathologie mentale chez l’enfant, force est de constater que l’idée chemine.

Après la Première Guerre mondiale, l’idée n’est plus contestée bien qu’elle ne soit pas encore pleinement entérinée. L’irrégularité de l’enfant n’est pas tout à fait la folie de l’enfant. Il n’en demeure pas moins que certains n’hésitent pas à envisager la psychose tandis que d’autres proposent comme le psychiatre Sancte de Sanctis (1862-1935) une nouvelle entité, la « démence précocissime ». Chaque décennie vient apporter son lot de preuves et le langage de la pathologie mentale de l’adulte inspire celui utilisé pour l’enfant comme en témoignent l’usage de « psychose infantile » et de « schizophrénie infantile » qui se répandent dans les années 1950.

Au fur et à mesure que des catégories émergent ici et là, la question de la prise en charge de ces enfants semble toujours plus complexe. Les professionnels discutent, hésitent, fabriquent des solutions sans qu’apparaissent véritablement des consensus très nets. Placer l’enfant dans l’institution bien sûr mais de quel type : fermée ou ouverte ? Loin de la famille ou avec elle ? Car après tout celle-ci n’a-t-elle pas un rôle dans certaines troubles affectant l’enfant ? Doit-on façonner une réponse exclusivement médicale ou bien ne doit-on pas penser aussi une prise en charge dans laquelle le pédagogique serait inclus ? Nombre de ces interrogations demeurent d’actualité.

Ce numéro de la RHEI invite à relire l’histoire des institutions psychiatriques au prisme de l’enfance. Il s’agit d’étudier la place des enfants dans l’asile puis l’hôpital psychiatrique au cours des XIXe et XXe siècle. Cela suppose de comprendre, aussi, pourquoi l’asile a pu constituer un repoussoir, un anti-modèle qui a déterminé de nombreux acteurs du champ de l’enfance à soustraire les enfants à son emprise, sur fond de concurrence professionnelle entre psychiatres, psychologues, pédagogues spécialisés… On peut penser qu’en retour, la question de l’enfance a joué un rôle de catalyseur dans les transformations de l’institution psychiatrique, qui a connu de profonds bouleversements au cours du XXe siècle.

Les contributions peuvent donc porter à la fois sur des institutions psychiatriques et sur des institutions qui se pensent comme une alternative ou un complément à l’internement psychiatrique des enfants. Afin d’orienter les contributeurs et contributrices de ce dossier, nous proposons les quatre axes de réflexion suivants, qui n’ont rien d’exclusif :

► Penser la folie infantile

La folie de l’enfant est-elle pensable ? Au-delà d’une histoire internaliste des savoirs psychiatriques, quels facteurs historiques et sociaux ont rendu possible l’émergence de cette notion ? Comment, au cours du XXe siècle, l’interaction entre les catégories de la maladie et du handicap a-t-elle façonné des réponses institutionnelles différentes ? 

► Prendre en charge les enfants
L’étude des quartiers pour enfants et des premières institutions spécialisées dès la fin du XIXe siècle est souhaitée car celles-ci constituent des mondes asilaires distincts et encore méconnus. Parallèlement il faut s’interroger sur la place réservée à l’asile quand on sait que d’autres modes d’intervention (pédagogique, judiciaire, assistanciel) caractérisent le champ de l’enfance « irrégulière » et « anormale ».

► Parcours biographiques et expériences enfantines de la psychiatrie
Quels enfants sont placés dans les institutions psychiatriques au cours des XIXe et XXe siècles ? La question du genre est ici déterminante car on peut supposer que l’internement n’a pas touché les filles et les garçons de la même manière. Que révèle l’étude des parcours biographiques de ces jeunes patients ? La question de la sortie d’institution semble ici particulièrement cruciale. Au cours des XIXe et XXe siècles, y a-t-il une expérience proprement enfantine de la psychiatrie ? Cet aspect met en jeu la question du témoignage et de l’accès à la parole. L’approche d’une histoire par le bas ou du point de vue du patient ne se heurte-t-elle pas à ses limites dans le champ de l’enfance ?

► Perspective internationale et transnationale
Ce numéro invite à réfléchir aux différences internationales dans les modes de prise en charge et aux dynamiques transnationales de la construction des savoirs psychiatriques sur l’enfance.  Les questions posées et débattues ne sont pas propres à un seul pays, comme le montrent aussi bien les interventions lors du congrès international de psychiatrie infantile de 1937 que les rencontres internationales qui se tiendront dans l’après-Seconde Guerre mondiale ou sous l’égide de l’OMS dans les années 1960.

Les travaux portant sur le XXe siècle étant plus limités, nous avons à cœur de les encourager. Enfin, si les études historiques sont naturellement attendues, nous ne considérons pas que le sujet de ce numéro puisse être organisé sans l’apport de travaux venant d’autres disciplines des humanités et des sciences sociales.

Soumission des propositions

Les propositions (une page) doivent être envoyées à jean-christophe.coffin@cnrs.fr et anatole.lebras@sciencespo.fr pour le 23 mars 2020. N’oubliez pas d’indiquer votre affiliation et vos informations de contact.

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