Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Antoine-Laurent de Jussieu. Fabrique d'une science botanique

Gilles Geneix

Résumé

L’afflux massif et permanent de nouveaux végétaux dans les capitales européennes, dès le début de l’époque moderne, augmente continuellement la base des entités naturelles reconnues, et anéantit régulièrement tous les inventaires et arrangements réalisés par les naturalistes qui s’attachent à construire des systèmes permettant d’ordonner l’ensemble des espèces connues, de les réduire en catégories maniables, et d’en faciliter la mémorisation. Même si tous les savants partagent à peu près la même conception d’un monde vivant stable et continu, deux types de classification - systèmes et méthodes - fleurissent dans une grande confusion épistémologique, constituant l’un des plus riches débats de l’histoire naturelle du XVIIIème siècle. En démontrant en 1778 l'irréductibilité des deux termes de la controverse, Lamarck polarise et structure le cadre du débat.  Antoine-Laurent de Jussieu, médecin et botaniste, cherche à élaborer et valider la méthode naturelle, et à convaincre du bien-fondé de ce travail ses contemporains investigateurs de la nature. Il publie le Genera Plantarum le jour de l'abolition en France des droits féodaux et des privilèges, livrant à la communauté savante l'outil qui permet de clore la controverse. L’ouvrage est son grand-œuvre, lentement composé durant une quinzaine d’années d’examen détaillé et systématique de l’ensemble des plantes auxquelles il a accès en tant que professeur de botanique du Jardin du roi intégré à un vaste réseau de correspondants.  Le travail que nous entreprenons vise à étudier le processus de coproduction du social et du scientifique à l’œuvre chez Jussieu, producteur d’un savoir botanique qui vise à refléter l’ordre continu de la nature dans la classification des végétaux, et par là même clore une controverse qui traverse le monde savant de la fin de l’époque moderne. L’enquête à mener demande de saisir l’homme en interaction avec le monde et ses semblables, de cerner sa pensée en train de s’élaborer, de retracer son cheminement scientifique, sa socialisation progressive, et d’identifier les ressources techniques, épistémologiques et sociales qu’il mobilise pour sa production savante et ses interventions dans le champ naturaliste. Ce travail exige par ailleurs de caractériser les conditions qui rendent possibles la résolution de la controverse système/méthode, d’en déterminer les modalités de règlement, et en expliciter les conséquences. Afin de nous garder des écueils méthodologiques, nous avons fait le choix d’engager notre travail sur différentes échelles d’observation, qui produisent chacune des effets particuliers de connaissance. Une démarche multiscalaire d’une histoire historienne des sciences, d’une sociologie de la connaissance, la variation des échelles d’observation, la multiplication des angles de vue et des focales de l’objectif, apparaissent comme une heuristique féconde, afin de rendre compte de la complexité de l’analyse de la dynamique de coproduction du social et du scientifique. En complément, nous présentons les premières traductions en français, complétées d’un appareil critique, du Prologue et de l’Introduction du Genera Plantarum ainsi que de la thèse de médecine de Jussieu de 1770.

Jury

  • M. Kapil Raj (Directeur de thèse), EHESS
  • M. Christophe Bonneuil, CNRS
  • Mme Jean-Luc Chappey, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Mme Isabelle Charmantier, Linnean Society of London
  • Mme Dinah Ribard, EHESS
  • M. Stéphane Schmitt, CNRS
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