Type d'événement, date(s) et adresse(s)Colloque et journée(s) d'étude

Campus Condorcet, Centre de colloques, salle 3.01

L’architecture urbaine et les natures européennes

Chercheur(s) associé(s) Pascal Dubourg Glatigny
La cathédrale Saint-Alexandre-Nevski depuis les Jardins de Saxe, Varsovie, carte postale avant 1914 - Ogrod Saski

La journée d'étude "L’architecture urbaine et les natures européennes (XVIIIe-XXe siècles)" se tiendra le 15 juin 2023 au Campus Condorcet de 10h à 14h. Comment l’architecture intervient-elle sur la nature urbanisée ? Comment l’histoire de l’architecture à son tour nourrit-elle la réflexion sur son environnement ? En considérant l’Europe dans son extension orientale, renonçant aux jeux d’influence qui s’exercent à travers les notions de centre et de périphérie, nous proposons d’envisager comment les bâtiments et monuments, leur instauration, réemploi et disparition sont en lien avec d’autres lieux, comment ils ouvrent et transforment d’autres espaces. Les communications considéreront l’architecture des jardins, des parcs, des villes thermales et maritimes et regarderont la manière dont le construit entre en relation avec la nature. Il s’agit de faire apparaître des échanges, des adaptations, des configurations parfois déconcertantes. En attirant le regard sur Varsovie, Sopot, Krzeszowice, Bucarest, Odesa et Varna, cette journée proposera une nouvelle orientation européenne à travers une réflexion sur l’architecture et la nature aménagée.

Programme

Introduction aux discussions : Simona Gîrleanu (ENS-PSL, Sorbonne Université)

- Quand les eaux minérales cessent d’être salutaires: les dessins pour Krzeszowice entre la science et l’urbanisme, Aleksander Musiał (Princeton University)

La communication portera sur l’emploi des bains dans les plans architecturaux de Ch. Aigner, Ch. Percier & P. Fontaine, et K. Schinkel commandés pour Krzeszowice à la fin du 18e et le premier quart du 19e siècles. Fondé suivant le modèle des bains thermaux, tels que Karlsbad ou Spa, le profil de cette ville privée située en Petite-Pologne a subi des transformations profondes au début du 19e siècle lorsque le caractère thérapeutique de ses eaux minérales a été mis en question. L’analyse détaillée des plans jamais réalisés montrera les moyens par lesquels les liens entre l’architecture urbaine et l’environnement ont été réinventés dans une période de crise d’identité locale. Loin d’être diminué, son impact continu dans la région témoigne d’une reconceptualisation de l’hygiène communale liée aux conditions naturelles locales en établissant progressivement un naturel "artificiel et imaginaire" à l’aube du tourisme moderne.

- Nature horizontale – les bâtiments entre le jardin de Saxe et la place Piłsudski à Varsovie, Jérôme Bazin (Université de Créteil)

Le lieu à Varsovie considéré dans cette intervention a trois parties : le jardin de Saxe du 18e siècle, la grande place qui s’appelle actuellement place Piłsudski (quasi-vide aujourd’hui) et, entre les deux, des bâtiments. Certains de ces bâtiments ont existé (principalement le palais de Saxe achevé dans les années 1720 et détruit en 1944), d’autres ont été imaginés. Dans son ouvrage sur "la Varsovie qui n’a pas existé" (Warszawa niezaistniała, 2019), Jarosław Trybuś a analysé les projets des années 1930 pour cet endroit. Nous présenterons de notre côté les projets de 1967 autour d’un "musée des luttes révolutionnaires". Ce lieu a ainsi pu successivement s’inscrire dans divers grands ensembles géographiques : le monde saxon de la fin de l’époque moderne, l’empire russe, la "nouvelle Europe" de l’entre-deux-guerres, le monde communiste de la seconde partie du 20e siècle. Le fil rouge que nous suivrons n’est pas celui de la monumentalité (une problématique essentielle pour cet espace au cœur de Varsovie qui a eu pour charge, d’une façon ou d’une autre, de faire monument). Ce sera plutôt la place de la nature apportée par le jardin de Saxe : les façons dont les bâtiments (réels et imaginés) ont envisagé leur rapport à la nature aménagée, les différentes formes d’ouverture visuelle qui permettent de voir le jardin depuis la place Piłsudski, les manières dont la nature urbaine construit l’horizontalité du lieu.

Le lotissement et le Parc Ioanid, un modèle occidental à Bucarest, Cristina Woinaroski (Université des Arts de Bucarest)

La présence des modèles semblables d’architecture et d’urbanisme dans des pays différents pose la question de l’influence transmise à un certain moment, de l’adaptation des certaines idées dans des différentes conditions. Ainsi, au début du 20e siècle (1909), les édiles de la Ville de Bucarest indiquent plusieurs modèles occidentaux comme source d’inspiration pour le lotissement et le Parc Ioanid conçus à l’époque à la périphérie de la ville. Le lotissement Ioanid représente un ensemble de logements luxueux construit autour d’un parc public ayant échappé par miracle aux interventions brutales de l’époque communiste. Réalisée avec succès par la Ville de Bucarest en 1909, l’intervention est l’une des premières opérations urbaines de Bucarest fondée sur un projet de lotissement, un règlement d’appel d’offre des terrains et un cahier de charges pour la construction des villas. Le point intéressant est que pour ce lotissement on indique plusieurs sources d’inspiration parmi lesquelles figurent : le groupe des squares réalisés sur la propriété Bedford à Londres (1800-1847) ou le Parc Monceau à Paris (1861). Mais la plus grande ressemblance se trouve avec le Geschwister-Scholl-Park à Magdeburg (1897). En fait, le lotissement et le Parc Ioanid de Bucarest représente l’exemple d’une forme urbaine pas très connue, qui a été définie au début du 20e siècle par les théoriciens urbanistes allemands Th. Goecke, J. Stübben comme Parc intérieur. La question se pose alors : ce type d’ensemble - logements autour d’un parc public constitue-t-il encore un modèle viable d’urbanisme utilisable aujourd’hui lors des interventions urbaines ?

- Jardins maritimes, disposer la mer dans la ville entre Sopot, Odesa et Varna, Pascal Dubourg Glatigny (CNRS, CAK)

Alors que la plupart des villes côtières mettent en scène la mer dans la ville au moyen de boulevards maritimes et cultivent le point de vue depuis les édifices urbains, une série de villes ont progressivement élaboré un modèle différent qui sépare l’espace bâti du naturel et développent une zone de transition. Le parc le plus ancien fut fondé en 1810 par l’alsacien Jean Haffner, aux bains de Brzeźno, à la sortie nord de Danzig mais il constitue le noyau d’origine de la ville balnéaire de Zoppot, à l’époque de l’occupation prussienne. A Odesa, le développement des bains d’Otrada, puis du parc du Langeron et enfin en 1840 du parc Shevchenko s’appuie sur l’analyse géologique et historique de la région établie en 1794 par le brabançon François Sainte de Wollant (1794). Enfin à Varna (mais aussi plus tard à Bourgas), après la libération de la Bulgarie en 1878, une démarche comparable s’instaure sous la direction de l’architecte français Henry Martinet et du paysagiste tchèque Anton Novák.

Organisation : Pascal Dubourg-Glatigny (CNRS, CAK), Jérôme Bazin (UPEC) et Simona Gîrleanu (ENS-PSL, Sorbonne Université) - avec le soutien de l'Institut culturel roumain.

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